Encore quelques pas et nous fermerons la porte pour 2023.
En attendant, les épinards sont en pause et la mâche reprend. La salade se fait fragile et les bettes rares. Des « pardon pour bêtise » puisque je m’aperçois que, pour planter des salades à la reprise, il eût fallu les semer il y a quelques temps …
Les ronces se chassent à coup de sécateur, même si elles vaincront au printemps : pour le moment, nous avons le dessus ! Les poireaux s’arrachent manuellement. Les chemins sont plein d’eau. Encore le petit plaisir de faire tomber le manteau en travaillant dans la serre. Carlos s’emballe sur les patates et les emballe sans compter.
Et un petit coup d’œil par-dessus nos épaules … Une année particulière avec une interdiction d’arroser à partir du 14 juillet pour la première fois de notre histoire. La fin de la machine à vapeur pour l’extérieur. Donc petit moment de panique … mais, au final, ça passe crème ! Il y a, bien sûr, malgré la dérogation pour l’arrosage, eu moins d’eau distribuée que ne l’auraient souhaité nos légumes pour étancher leur soif. Donc des calibres plus petits que d’habitude. Les 3 semaines de pluie en juillet/août nous ont un peu inquiété par le départ en herbe sur tout le terrain (adieu fenouil, chou kale et chou de Bruxelles que nous n’avons pas réussi à sortir de l’herbe). Donc des réussites comme le brocoli et le chou fleur au printemps ou les panais à l’automne qui n’étaient pas énormes. Des mitigés comme la tomate sans vraiment de goût ou les fraises remontantes qui ne savaient pas si elles devaient pourrir ou mûrir. Des flops comme les melons (d’ailleurs juste quelques pieds si nous avons la foi l’année prochaine) et le fenouil automnal … Dans l’ensemble, une année active qui laisse place à une envie de procrastination et le faire plutôt bien pour ma part …
Alors nous attaquons nos deux dernières semaines avant la pause hivernale des vacances scolaires. Comme annoncé l’année dernière, ces paniers seront plus conséquents pour tenir pendant notre absence …
Jongler entre travaux de maintenance, récoltes, dernières plantations et le ciel est devenu notre passe-temps préféré. Nous imaginons demain et, quand le jour prend le pas sur l’obscurité, la réalité a parfois des saveurs inédites. Projets de bricolage pour avoir chaud. Commandes de graines pour 2024. Le plaisir de ralentir à la nuit tombée. Regarder le thym au loin et le trouver vraiment trop loin derrière sa mer de boue. Attendre le rouge-gorge mais il a dû se trouver un autre abri. Penser au rangement et mettre un peu plus de désordre. Réaliser que nous fermerons bientôt … et le savourer !
Je m’éclipse quelques jours donc, avec de l’avance, voici la semaine prochaine. Dernière fois qu’il y aura des courges (la mauvaise surprise d’avoir des rongeurs qui ont grignoté beaucoup de pièces…) et, ensuite, ce qu’il y a dans le champ !
Pouvons-nous penser que nous sommes tombés dans l’oubli de la pluie ? Une semaine avec presque du beau temps (enfin, comparé à ces dernières semaines) où nous continuons d’enlever à Dame Nature nos légumes hivernaux. Le rouge-gorge fait une tentative par jour pour investir nos locaux. Les rongeurs festoient avec nos dernières courges (nous touchons le fond …). Et nous rangeons nos tuyaux d’arrosage (en même temps, nous n’en avons plus besoin si l’on compte le nombre de mm absorbés par le sol). Le moment est venu où nos feuilles vertes se mettent en pause. Nous cueillons, elles ne repoussent pas. Elles attendent janvier, comme une promesse. Doucement, nous finissons les provisions. Doucement, nous glissons dans la quiétude. Et rêvons aux jolies pousses de 2024 … parce qu’il est encore trop tôt pour réfléchir au futur travail.
Ben … si nous pouvons rester hors du périmètre de la pluie, j’avoue, cela nous convient … quitte à ne mettre que des oignons et des coulis dans le panier !
Semaine 47 : et la pluie se déversa sur nos terres …
L’eau a emprisonné nos 30 derniers mètres de carottes. Elle nous a aussi trempés toute la semaine. Et abasourdis quand nous étions dans les serres. Nous rêvons d’un p’tit boulot sympa au coin du radiateur où, ni le vent, ni la pluie, ni la mauvaise humeur ne pourraient nous rejoindre. Le manteau du matin est humide à midi, celui de l’après-midi tient à peine.
J’ai regardé les garçons rentrer les céleris sous la pluie. Et j’ai fait ma Chef. J’ajoute même que je n’aime pas planter la mâche … alors, si vous me cherchez, je suis au bureau !
Un petit peu au pays d’Oz depuis le souffle du vent, nous regardons avec méfiance la méduse aux longs filaments de plastique qui claquent sous l’haleine d’Éole. Le sol emprisonne nos membres inférieurs quand le champ de carottes nous appelle. Les voix des gouttes d’eau deviennent assourdissantes quand nous ramassons nos feuilles à quatre pattes. Les bouches des serres claquent mille mots quand nous leur volons leurs Précieuses rouges pour en faire des tomates. Cette semaine, l’Univers avait basculé, donnant une saveur inédite à notre travail. Peut-être le changement d’heure avec, à la clé, une nouvelle perception du Monde … ?