Pas encore en retard mais loin d’être en avance, les légumes font monter la pression. L’arrosage est fini d’installer dans la nouvelle serre. Carlos remplit ses heures sombres en ouvrant et fermant l’eau. Les petits pois grillent doucement sous la chaleur. Les fraises se suivent, carré après carré. Les concombres nous laissent entrevoir leur futur. L’herbe disparaît de nos allées. La terre devient poussière. Les hirondelles piochent dans les flaques de boue éphémères pour les réparations de leurs nids. Les tomates grossissent, grossissent … et instillent l’espoir d’être à l’heure. Nous attendons le poireau à planter. Nous attendons la pluie. Et nous courons après le temps. Heureusement, mes ressources naturelles finissent le lycée et n’auront d’autres choix que de passer le temps dans les champs …
Étant plus coopérative, elle a trouvé seule ce qui lui prenait la tête : les vendredis.
Parce que c’est un jour stratégique où tout doit rouler. Les problèmes y apparaissent comme autant de grains de sable dans un engrenage. Faire rentrer des ronds dans des carrés. Vite. Aux problèmes insolubles, une touche d’ironie répond : « S’il n’y a pas de solution, c’est qu’il n’y a pas de problème ». On s’adapte. Et ça passe. Les carrés sont devenus des ronds. Le « vendredi » est devenu un concept.
Un jour compliqué est automatiquement requalifié en vendredi.
Et, parfois, la semaine n’a que des vendredis … alors nous courbons le dos et attendons que les carrés s’arrondissent …
Et ce qui lui fait prendre son pied : être une super héroïne. Parce que notre boulot ne dépend pas que de nous. Entre le climat que nous souhaiterions arrangeant, le matériel conciliant et les plantes courtoises … ben, c’est pas gagné.
Certaines réussites sont faciles. D’autres plus laborieuses.
Alors suivant l’exemple d’un épisode de séries (Grey’s Anatomy pour ne pas le citer), Laure et moi nous plantons, bien ancrées dans le sol, jambes écartées, menton relevé dans une posture digne de Captain America.
Dans le cadre de nos portes ouvertes, nous avions choisi le thème : ce qui nous prend la tête et ce qui nous fait prendre notre pied, en lien avec les activités massage crânien et réflexologie plantaire … Ceux qui ont fait la visite ont eu l’occasion de lire les textes de ces prochaines semaines. Pour les autres, c’est l’occasion de nous découvrir un peu plus …
Alors nous commençons par Carlos :
CE QUI LUI PREND LA TÊTE : indéniablement, écrire pour la porte ouverte. Mais il compte sur moi pour le raconter puisque, depuis 2008, j’ai appris à décrypter le Carlos. Nous jouerons donc au « devinez-moi » …
Nous savons que Carlos fronce les sourcils quand il n’est pas content.
Donc un froncement de sourcil quand les stagiaires sont en retard.
Un double froncement quand lui est en retard pour livrer.
Un haussement de sourcil, suivi du froncement, quand une nouvelle machine arrive. D’ailleurs, elle reste une bonne année en observation avant qu’il ne daigne l’utiliser …
Mais, bien sûr, ce n’est que ma perception, alors chutttt … il ne doit pas savoir …
CE QUI LUI FAIT PRENDRE SON PIED : contre toute attente, les haricots. Pas très enthousiaste à son arrivée en 2008, il a d’abord aimé les haricots beurres qui ressortaient bien du feuillage. Avant de tous les aimer, allant jusqu’à les cueillir le dimanche …
Son 2e kiff est de ramasser les légumes à la main (en même temps, vu qu’il n’aime pas trop la mécanisation). Monsieur est très tactile. Sa main effleure les feuilles quand il se promène au milieu d’eux pour les surveiller. Il laisse les machines rangées et sort sa fourche pour les arracher à la terre. Poireaux, carottes, betteraves, céleris raves ont droit à un traitement de faveur. A la caresse de sa main …
Et son dernier kiff est de balader Junior avec lui. Le mercredi, le soir après l’école et pendant les vacances, sa réplique miniature dans ses pas, père et fils arpentent le champ. Et vous savez quoi : le fils préfère nettement les machines au travail à la main …
Pour ceux à qui l’information ne serait pas parvenue, il y a une journée porte ouverte samedi 13 mai de 10h à la nuit tombée … Et maintenant le panier…
Une seule pensée malgré les melons, pastèques, céleris raves, poivrons et aubergines à repiquer. Malgré les semis de salades, de haricots, de fenouils, pissenlits et autres légumes. Malgré l’herbe qui gagne dans quelques coins …
Notre unique pensée, cette semaine, est la porte ouverte (j’exagère, mais quand même…)
du SAMEDI 13 MAI
Donc rappel du programme de la journée :
Vente de plants maraîchers bio par Marie-France sur nos heures d’ouverture
Réflexologie plantaire avec Karine Lecamp, réflexologue à Méré (sans réservation)
-10h15 à 11h : atelier automassage pour les adultes « mes pieds ont un message »
-11h15 à 11h45 : atelier automassage pour les enfants « à la découverte de nos pieds »
10h-12h : Découverte du massage crânien en 10min par Sabrina Viard, naturopathe aux Essarts le Roi (sans réservation)
Visite des champs à 12h
Pique-nique partagé à partir de 13h30
15h-17h massage crânien avec Sabrina (sans réservation)
15h-15h40 : atelier sur table parent-enfant « communiquer autrement avec son enfant grâce à la réflexologie plantaire » (3 tables de dispo)
16h-16h45 : atelier sur table adultes « la réflexologie plantaire pour apaiser le corps et l’esprit » (3 tables de dispo)
17h visite des champs
18h30 : animation musicale avec les Railroad Stomp
19h30 : auberge espagnole (chacun apporte et tout le monde partage)
Et l’hiver retourne dans sa grotte sur la pointe des pieds, et le printemps fait sa diva sur le haut de sa montagne. Alors, plus de poireaux, plus de radis noir, encore des carottes et les courgettes ne sont pas en fleurs … Bref, nous hésitions sur la 3e salade … Et n’oubliez pas notre porte ouverte du samedi 13 mai (programme détaillé sur Facebook ou Instagram).
Des nuits fraîches, des nuits plus chaudes, des jours brumeux, des jours avec éclaircies, encore beaucoup de pluie qui disparaît dans le sol. Et des fraises qui commencent à rougir. Pas à la folie. Juste timidement, pour nous dire : « on y est ». Alors, une fois que notre vœu sera fait, nous commencerons à partager avec vous. Et nous pourrons retourner à la préparation de notre porte ouverte du 13 mai et à l’irrigation dans notre serre. Parce que la 2ème saison de tomates est sur le point d’attendre après nous … et si l’hiver s’étiole (chaque semaine est un au revoir pour un légume hivernal), nos cultures de fin de printemps ne sont pas au top de la précocité. Entre manque d’eau (même si, à ce rythme, cela pourrait se régler…), vent asséchant et nuits fraîches, les attendus de mai-juin boudent dans leur coin. Soit parce que nous avons attendu avant de les planter dans leur grand lit suite à quelques nuits glaciales, soit parce que leurs petits camarades traînent et refusent de laisser la place. Mais nous ne doutons pas d’un retour à l’ordre. Reste à savoir quand … et, comme nous avons choisi l’éducation positive, nous respectons leurs rythmes … et peut-être qu’ils se feront beaux si vous venez le 13 mai…
Essayer de la diversité pour une période où nous ferions bien comme nos chats : regarder la gamelle, regarder notre humain et lui signifier que nous voulons autre chose … pour finir par chipoter en bougeant une croquette.
Mais peut-être est-ce le moment de se mettre à renouveler la façon de manger le céleri …
Même si le vent du Nord-Est nous fait oublier la beauté du printemps, nos petites hirondelles sont de retour. Et les grenouilles entament un timide chant de beau temps (Laure s’est même retrouvée à en sauver une, perdue, qui a pris notre bac à laver pour sa nouvelle maison). Il y a les visites chez les collègues sur les heures de libre pour ne pas empiéter sur le bichonnage de légume. Le moment de solitude quand nous trouvons des oignons blancs prêts à vendre quand les nôtres ne sont encore que de longs fils … C’est trop injuste ! Et le plaisir d’échanger sur nos méthodes et de glaner quelques tuyaux (nous planterons nos oignons en semaine 42 et non 44 comme cette année …).
La beauté de la nature nous prend aussi toujours au dépourvu : des confettis de poire tapissent doucement le sol au gré du vent au milieu du champ. Des poules d’eau caressent la mare avec leurs petits. Les hirondelles dansent au-dessus de nos têtes avant d’effleurer le sol à la recherche de la boue parfaite pour leur nid.
Nos tomates sont plantées. La serre à plants se vide. Des semis sont encore en attente. La saison vient par vague. La rhubarbe n’est toujours pas désherbée. Nous avons peut-être trouvé le dernier maillon de notre équipe. Et l’eau tombe gentiment du ciel. Nous savons que les restrictions seront pire et que les heures creuses de la nuit nous tiendront peut-être éveillées pour étancher la soif de nos champs. Ou peut-être pas. Peut-être un autre chemin se dessinera sous nos pas. D’autres façons. Un autre angle. Et comme toujours, suivre la vie …