Souvent, nous connaissons vos têtes mais pas vos noms. Vous venez parfois séparément et nous ne vous marions pas ensemble. Donc ce qu’il y a de drôle avec les livraisons, c’est que nous associons des noms aux visages, aux conjoints, aux lieux de vie, aux familles aussi. Nous vous découvrons, ainsi que vos liens avec vos voisins. Personnellement, c’est un peu mon enfance que je retrace quand, de maison en appartement, je comprends les fils invisibles tissés entre chacun. Parce que je n’ai pas fait un seul marché du samedi pendant 16 ans à Maisons-Laffitte puisque j’avais choisi Paris, et que nous nous sommes offert le luxe d’arrêter il y a plus d’un an pour profiter davantage de la vie qui peut être si courte. Je revois donc des personnes que je voyais chaque semaine il y a 16 ans. Souvent, elles n’ont que peu changé. Elles me parlent encore de ma mère à qui je ressemble, et je vois maintenant leurs enfants. Il y a vos remerciements qui nous touchent beaucoup, les petits cadeaux à grignoter pendant la livraison, les couacs de notre part. Parce que oui, nos semaines sont très longues à cause de la logistique et que, si nous adorons cueillir une salade sous le soleil levant, préparer une commande sous le soleil couchant est beaucoup moins fun pour nous. Il y a tous ces paniers à préparer parce que vous êtes à risque, parce que vous avez peur et parce que nous essayons de vous arranger. Nous ne voulions pas laisser tomber nos clients de Maisons-Laffitte parce que certains se souviennent de moi dormant sous la table du marché quand j’étais enfant. Mais oui, cette période est une folie et notre fatigue nous rattrape. Parce qu’il faut penser à nos champs avant tout, qui nous prennent énormément de temps même s’ils semblent ingrats en ce moment en nous donnant peu de diversité. Nous ne nous attendions pas à autant de demandes diverses et variées auxquelles il nous est impossible de répondre par l’affirmative et, je l’avoue, à force d’entendre dire que les enfants n’écoutent pas, ne suivent pas une consigne, j’avais l’impression que les adultes seraient à la hauteur de leur critique de l’enfance. Mais est-ce la folie du moment ? La peur ? Dans tous les cas, il va nous falloir améliorer, encore, notre compréhension des mots et être plus stricts pour respecter l’espace de chacun…