Il y a des années où, la saison sur le point de s’achever, nous regardons derrière nous et ne savons pas quoi en penser… Des tomates prêtes à déclarer forfait sous la maladie alors qu’elles ploient sous le poids de leurs fruits pas mûrs. Des courgettes à bout de souffle quand elles sont 1/3 de plus. Un millier de melons prêts à mûrir mais dont le feuillage sec est déserté par la vie. Des fraises dont on n’aura remué la verdure que pour ne rien trouver. Et quelques réussites comme les haricots, qui se croient en octobre. Et tout l’automne qui frétille de bonheur d’être bientôt chouchouté.
L’été 2021 fera partie de notre catégorie d’anachronisme. Personnellement, ce ne fut pas le plus dur. Nous avons survécu à tellement pire. Cet été nous a bousculé, mis à mal dans nos objectifs, avorté des projets : il n’y aura pas de serre supplémentaire pour faire des rotations correctes donc il faudra en faire un peu moins. Il n’y aura pas non plus de verger. Les fraises remontantes seront abandonnées et pas sûr que melon et pastèque soient reconduits. Parce que, même s’ils étaient venus, nos boulots sont trop saisonniers et trouver ponctuellement des personnes qui coûteraient à l’entreprise la même somme que nous pour garder des prix de vente représentatifs du travail sous-jacent, semble mettre notre santé physique à rude épreuve. Nous l’avons constaté ces dernières années à nos dépends entre absence imprévue des saisonniers, personnes qui n’avancent pas et suppression de nos congés à la dernière minute pour combler les heures manquantes. Et cette année, où des heures hors cadre privilégiant les légumes à notre plaisir personnel sont parties dans l’oubli (car tout le monde ne retiendra de cette année que ce qu’il n’y a pas eu), des priorités se redessinent parce qu’il est plus important de nous donner notre vie que des années à d’autres. Nous compterons sur nous-même et ne ferons que ce que nos bras permettront même si beaucoup en attendent toujours plus.
J’ai envie que nous préservions le plaisir de travailler ensemble, de cajoler nos légumes et de lâcher la binette pas trop tard pour rire avec nos familles.
Nous continuerons à adorer ces heures à caresser nos légumes, à nous pencher sur eux pour les cueillir et sourirons en pensant à la binette. Et prendrons le temps de savourer aussi chaque instant hors de nos rangs de terre.
Cette année est une piqure de rappel que notre vie n’est pas que se pencher sur notre terre. Le ciel est tellement beau. Il y a un temps pour cultiver le sol. Un autre pour cultiver notre vie.
Belle semaine !